CHRONIQUE #124 | ℒe journal de Nisha

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𝓖𝑒𝓃𝓇𝑒 : Historique

𝓣𝒾𝓉𝓇𝑒 : Le journal de Nisha

𝓐𝓊𝓉𝑒𝓊𝓇 : Veera Hiranandani

𝓔𝒹𝒾𝓉𝒾𝑜𝓃 𝑒𝓉 𝓟𝒶𝓇𝓊𝓉𝒾𝑜𝓃 : Hatier (2020)

𝓝𝑜𝓂𝒷𝓇𝑒 𝒹𝑒 𝓅𝒶𝑔𝑒𝓈 : 320 pages

ℛ𝑒́𝓈𝓊𝓂𝑒́ : Nisha, une jeune Indienne, a grandi dans le nord du pays avec son frère jumeau Amil, et leur père hindou. Les enfants n’ont pas connu leur mère musulmane. Ils sont entourés de leur grand-mère et de Kazi, leur cuisinier musulman. Depuis peu, on parle de l’indépendance du pays. Nehru, Gandhi et la classe dirigeante disent que le peuple va se libérer de la domination britannique. Mais on entend aussi dire que musulmans et hindous ne pourront plus coexister. Nisha et sa famille vont devoir s’exiler à Jodhpur, mais que va devenir Kazi  ? Nisha se sent elle-même à moitié musulmane et hindoue. Comment l’indépendance peut-elle signifier la liberté  ?

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𝚂𝙴𝚁𝚅𝙸𝙲𝙴 𝙿𝚁𝙴𝚂𝚂𝙴

𝒰n roman ownvoice poignant, ode à la tolérance, du point de vue d’une enfant indienne qui voit son pays se déchirer.

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𝒥’ai un peu de mal à mettre des mots sur cette lecture, parce qu’elle m’a beaucoup touchée, les réflexions de Nisha étant très en phase avec l’actualité. C’est son point de vue enfantin, naïf et innocent, qui donne tant de force à son récit. Il s’agit d’un roman ownvoice, car l’autrice a des origines indiennes, et elle raconte ici l’histoire de sa famille, qui a vécu cet exode forcé vers la nouvelle Inde. Le pays va en effet se déchirer en deux pour créer le Pakistan, nouvelle terre qui doit accueillir les musulmans, tandis que tout ce petit monde vivait très bien ensemble, à l’image du microcosme que représente l’entourage de Nisha. Je ne savais même pas que le Pakistan était en Inde, je connaissais Gandhi, qui a tout tenté pour instaurer la paix au milieu du chaos que cette scission a créé, mais l’histoire des pays hors Europe, ou du moins Occident, est si peu racontée dans les livres d’Histoire qu’on a de terribles lacunes.

𝒪n suit les pensées de Nisha, jeune indienne timide, qui raconte son histoire en s’adressant à sa mère décédée, dans son journal intime et qui ne comprend pas pourquoi on doit séparer les hindous et les musulmans en deux. En effet, son père est hindou et s’est marié avec une musulmane, et elle ne voit pas la différence. Leur cuisinier, Kazi, est également musulman, et c’est la personne avec qui elle se sent le mieux, qui prend le plus soin d’elle et avec qui elle se sent aimer. J’ai adoré les parties où ils étaient ensemble à cuisiner, car on apprend de nombreuses recettes qui mélangent les traditions, avec un joli mélange de saveurs, de senteurs et d’épices ! En plus, il y a un petit lexique pour mieux visualiser, ça donne clairement faim. Cela donne un côté très réaliste au récit, au coeur de la culture du pays. Mais Kazi est en plus un homme bon, qui voit l’intelligence de Nisha et la fait évoluer et se poser les bonnes questions, en restant très humain.

𝒞’est un sublime message de tolérance qui prend au coeur et qui attriste. Parce que la petite ne saisit vraiment pas pourquoi on doit se déchirer comme ça pour la religion et surtout à cause de ceux qui gouvernent et qui décident tout pour le reste du peuple. On suit l’exode de cette enfant, la perte de ses repères et la violence qui en résulte. Sincèrement, cette partie là m’a pris aux tripes, le danger est partout, c’est une question de survie et l’humanité disparait complètement. Lire ça à travers le traumatisme d’un enfant est encore plus poignant. La famille passe d’une relative richesse à la perte de ses possessions en quelques jours, à se battre pour trouver de l’eau et à avoir peur pour ses proches, à tel point qu’on ne sait pas comment ça va finir. Cela révèle les caractères de chacun et la force des autres. Une scène très visuelle est celle du train, facile à imaginer lorsqu’on a en tête les trains bondés indiens, où il est difficile de trouver une place sans étouffer. En résulte un véritable sentiment d’oppression et de colère pour ces familles qui n’ont rien demandé.

𝒪n évoque aussi la dyslexie, fait plutôt rare, avec le frère jumeau de Nisha, Amil. J’ai trouvé vraiment sublime la façon de l’autrice d’en parler, avec le prisme de l’art. En effet, le garçon ne suit pas à l’école, n’arrive pas à lire car les lettres bougent et s’animent, mais est excellent en dessin et aux échecs. On voit l’amour d’une soeur pour son frère et vice-versa, qui cherchent à se protéger l’un l’autre. Tout un spectre de l’amour filial est évoqué, de la grand-mère au père, puis des enfants. On parvient à saisir les points de vue chacun, avec une volonté d’empathie et de compréhension. Le poids des mots est aussi important, on le ressent avec le personnage complexe de Nisha, très intelligente mais qui a peur de parler, avec des passages si tristes qu’on souhaiterait pleurer pour elle qui n’ose pas le faire. Ce qui ressort de ce roman, malgré la terrible violence, c’est surtout l’amour.

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